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Le trésor national de la Roumanie, histoire d'une trahison

Cette semaine, notre rédaction revient sur le sujet brûlant du trésor de la Roumanie dérobé autrefois par la Russie et que le gouvernement roumain tente désespérément de récupérer.

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Wikimedia
Écrit par Lepetitjournal Bucarest
Publié le 26 mars 2024, mis à jour le 26 mars 2024

Tout commence en 1916. C'est la première guerre mondiale et la Roumanie a rejoint l'Entente formée par la France, le Royaume Uni et la Russie. Sauf qu'à la fin de 1916, l’armée roumaine est vaincue par les Allemands et les Austro-Hongrois qui occupent Bucarest et toute la moitié sud du pays. Les autorités roumaines prennent la décision d’évacuer le gouvernement, la Banque Nationale, et la famille royale à Iasi, dans le nord du pays. La question du trésor de la Banque nationale roumaine (BNR) se pose très vite, car il faut le mettre à l’abri des Empires centraux qui menacent d'occuper l'ensemble du territoire. C’est une priorité non seulement de par sa valeur, mais aussi parce que les émissions monétaires de l’État sont garanties par ses réserves de métal précieux. Le ministre des finances, Emil Costinescu évoque la possibilité de transférer le trésor à Londres, mais la route est trop dangereuse, compte tenu de la menace que représentent les sous-marins allemands. C'est ainsi qu'on opte pour la Russie au nom d’une alliance d'amitié, le transfert étant garanti par le tsar de la Russie, cousin de la Reine Marie.


Du 12 au 14 décembre 1916, dans la gare de Iasi, 1738 caisses sont donc chargées dans 17 wagons de train en partance pour la Russie. On y trouve des lingots d’or et des monnaies, les bijoux de la Reine Marie, la bague de Vasile Lupu, mais aussi différents documents, contrats et titres de valeur, et des objets d’art, des objets de culte, des tapis, d’autres objets à valeur historique et des tableaux de valeur signés Nicolae Grigorescu, Theodor Aman ou Ştefan Luchian. Le trésor quitte alors ce qu’il reste de la Roumanie et arrive le même mois à Moscou, où il est entreposé dans la Salle des Armes, au Kremlin.

Tout se passe sans encombre et l'état roumain peut enfin souffler mais voilà qu'à la fin de la guerre, les choses ne se passent pas comme prévu : en Russie les bolchéviques prennent le pouvoir.
En 1918 les relations diplomatiques entre les deux pays sont interrompues et la Russie refuse tout simplement de restituer le trésor national aux Roumains en prétextant par le biais d'un document officiel « que le trésor roumain était confisqué à l’oligarchie roumaine pour être à un moment donné restitué au peuple ouvrier ».

Après des négociations sans fin, il faudra attendre 1935 pour que l’URSS restitue une série de documents d’archive, y compris ceux ayant appartenu à l’Académie roumaine. Un nouveau transfert d’objets de valeur a eu lieu en 1956, lorsque l’Union soviétique restitue à la Roumanie le trésor de Pietroasele, surnommé « la Poule aux poussins d’or ».

Aujourd’hui, presque un siècle plus tard, alors qu’une partie de biens culturels et religieux ont été restitués, le reste du trésor de la Roumanie se trouve toujours à Moscou, prisonnier d’une amitié trahie.

Cette année, le Parlement européen a approuvé, lors d'un vote historique, une résolution par laquelle les députés demandent à la Russie de restituer l’intégralité du trésor de la Roumanie. C'est la première fois que la question du trésor roumain était soulevée au Parlement européen. La résolution adoptée reconnaît le droit de la Roumanie de récupérer son trésor détourné par Moscou ou d’obtenir une compensation en échange. Même si la Russie n’est aujourd’hui pas ouverte au dialogue, après la fin de la guerre en Ukraine, en cas de négociations avec la Russie, l'Union européenne pourrait utiliser ce document pour imposer des conditions à Moscou.

Selon cette même résolution le trésor national de la Roumanie inclut "91,5 tonnes d’or fin appartenant aux réserves d’or de la Banque nationale de Roumanie, des collections royales de bijoux et de pièces rares ayant une valeur numismatique et culturelle distincte de la valeur de l’or lui-même, ainsi que des biens culturels, religieux et archivistiques appartenant au patrimoine national de ce pays". Affaire à suivre…

 

lepetitjournal.com bucarest
Publié le 26 mars 2024, mis à jour le 26 mars 2024

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